p.69 Par 1 Le fameux pianiste M. Vladimir de Pachmann est mort, à Rome, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
Par 2 Vladimir de Pachmann était né à Odessa le 27 juillet 1848. Il était le dernier d'une famille de treize enfants. Son père enseignait le droit à l'Université de sa ville et était un amateur de musique passioné. Violoniste, il fit de la musique de chambre avec Mendelssohn. C'est lui qui fut le premier professeur du jeune Vladimir qui fit de rapides progrès et ne tarda pas à être admis au Conservatoire de Vienne. Il y obtint rapidement les premières récompenses pour le piano, l'harmonie et le counterpoint.
Par 3 Vladimir de Pachmann débuta en donnant des concerts en Europe Centrale et en Russie, puis il eût l'occasion d'entendre deux pianistes célèbres d'alors, Charles Tausig et Hans de Bulow, dont le jeu fit sur lui une impression si profonde qu'il se retira à Vienne pour se consacrer derechef à l'étude de son instrument. Il fallut faire maintes pressions sur lui pour le décider à se produire de nouveau en public. Le premier récital qu'il donna au sortir de sa retraite fut triumphal. Peu après, Liszt assistant à un concert de V. de Pachmann à Budapest s'écria: «Messieurs, voilà un vrai poète!» C'était bien le mot qui caractérisait le mieux l'art du virtuose.
Par 4 V. de Pachmann, qui fut l'ami, outre de Liszt que nous avons déjà cité, d'Antoine Rubinstein et de Richard Wagner, possédait une technique très personnelle dont il a toujours gardé le secret. On ne lui connût qu'une seule élève, la pianiste irlandaise [australienne] Marguerite O'Key qu'il épousa.
Par 5 Ses récitals étaient caractérisés par le fait qu'il adressait, à certains moments, la parole à ses auditeurs. Tout en jouant, il commentait les oeuvres. Cette manière de faire, qui a conduit à le juger souvent comme un fantaisiste était chez lui tout spontanée. Il éprouvait le besoin de créer une atmosphère d'intimité entre lui et le public.
Par 6 Il a été enlevé, après avoir été alité pendant plusieurs semaines, par une pneumonie. On dit que, peu de jours avant de s'éteindre, il pria qu'on le laissâ se lever pour aller jusqu'à son piano. Lorsqu'il l'eût atteint, il se mit à jouer le Quinzième Nocturne de Chopin, le musicien qu'il avait le mieux aimé et le plus ardemment servi. Il cisela l'oeuvre qui lui avait valu tant de triomphes avec amour. Ce fut sa dernière joie.
Par 7 A son fils, M. Léonide de Pachmann, notre collaborateur, nous adressons nos condoléances attristées.